C'est en 1921 que Charles Gide donne une leçon inaugurale au Collège France lors de l'installation de la chaire sur la Coopération. Formidable hymne à la coopération, il explique simplement et avec maestria, les avantages concurrentiels de la coopération sur les autres systèmes.
Les acteurs d'aujourd'hui qui se gaussent d'économie sociale et solidaire et se présentent comme de nouveaux prophètes, seraient bien inspirés de lire, relire et commenter ce magnifique texte que j'aurais voulu publier sous format numérique. Malheureusement, je ne le trouve nulle part !
Extraits :
"C'est là un fait nouveau. Dans l'Université de Paris, comme dans les autres Universités ou établissementd'enseignement supérieur, il ne manque pas de chaires créées par des millionnaires, par des princes, par des philantropes. Sur le Livre d'or de ces Mécènes, on voit briller beaucoup de grands noms, beaucoup de beaux noms : mais on n'y avait point vu encore figurer une organisation ouvrière.
À cet égard, il faut rectifier les assertions inexactes données dans quelques journaux : l'Etat n'a aucune part dans cette création, sinon d'apporter sa signature. Ce sont les Sociétés Coopératives de Consommation qui ont pris à leur charge, exclusivement, tous les frais de cette fondation.
Et bien ! Il est juste que la chaire sur la Coopération ait été créée par les organisations coopératives elles-mêmes, car la doctrine coopérative elle-même, dans ses réalisations comme dans ses aspirations, telle qu'elle vous sera montrée ici, a été uniquement l'oeuvre de coopérateurs ouvriers. Ce sont eux qui, depuis les pionniers de Rochdale, par leurs expérimentations quotidiennes, en confrontant leur idéal avec les réalités, ont élaboré ce programme à la fois pratique et idéaliste que nous vous exposerons. Les économistes n'y ont pas apporté grand chose, sinon leurs critiques. (...)
Dans le Congrès où, il y a trois ans déjà, cette fondation fût votée, un des membres dit : "Pourquoi cette chaire au Collège de France ? Aucun coopérateur ne pourra y assister." Et l'on répondit : "Peu importe, ce n'est pas pour les coopérateurs qu'elle est créée, c'est pour montrer au public -au grand public- que le mouvement coopératif n'est pas simplement un mouvement pour l'amélioration de la condition des classes ouvrières, mais que c'est aussi un mouvement d'idées qui vaut la peine d'être discuté dans les milieux intellectuels. Et c'est pour cela que l'on a voulu ici une chaire magistrale et non pas un simple cours. Et un tel souci de la haute culture chez des hommes dont l'activité s'exerce dans le commerce, généralement dans le commerce de l'épicerie, est vraiment noble et touchant." (...)
(...) La première fenêtre que nous ouvrirons c'est celle qui donne sur la circulation, comme disent les économistes, ou si vous voulez, plus simplement sur l'échange. Pourquoi commençons-nous par là ? Parce que c'est tout à fait par là, en effet, que les coopératives ont vu sur le monde économique : c'est leur propre domaine. Ce sont d'abord des magasins : et même ce n'est pas autre chose pour ceux qui nous regardent de l'extérieur. Si vous entrez dans un magasin coopératif, vous n'y verrez, en effet, rien d'autre que dans une épicerie quelconque, rien que le vulgaire attirail de toute boutique, des sacs, des bidons, des barriques, des tiroirs, un comptoir, des balances.
Et bien ! qu'est ce que la Coopération pense apporter de nouveau dans ce domaine-là ? Elle y apporte la notion de juste prix. c'est-à-dire la préoccupation de ne faire payer au consommateur que le strict équivalent de la marchandise qu'il reçoit, en débarrassant ce prix -comme on épluche une noix pour ne gader que l'amende- de toutes les majorations parasitaires que le commerce de tout temps a plaquées sur ce prix de vente. Le juste prix, c'est le prix débarrasé de tout ce qui, sous le nom de profit, de dividende, de rente, de plus-value, le grossit indéfiniment aux dépens du consommateur, et dont nous avons vu tant d'exemples surtout depuis la guerre."
Et Charles Gide, au cours de cette leçon inaugurale, passe en revue, un à un, les concepts fondamentaux, qui structurent le corps de doctrine de la coopération. (In Henri Desroche - Charles Gide (1847 - 1932) - Trois étapes d'une créativité solidaire (Coopérative, Sociale, Universitaire) - Paris - CIEM - 1982 - 196 pages.)
Décidemment l'axiome de St-Simon est on ne peut plus d'actualité : "nos enfants croiront avoir de l'imagination, ils n'auront que des réminiscences."
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