"Si le périmètre de l’économie sociale est maintenant assez clairement délimité, il conviendrait de définir ce qu’est le développement d’un territoire. Selon quelle acception utiliser le terme de développement ? Le développement d’un territoire n’est-il qu’économique ? Ou intègre-t-on une dimension sociale, écologique et de gouvernance ? En d’autres termes, quels sont les indicateurs permettant de mesurer le développement d’un territoire et de les comparer entre-eux ?
La pensée dominante met en avant les entreprises comme acteurs principaux du développement des territoires et de l’économie locale. Laurent Davezies bat en brèche ce prêt à penser : «dans les aires urbaines françaises, 20 % des revenus sont liés à l’activité des entreprises exposées à la compétition, 20 % à l’emploi public, 40 % à des flux de revenus privés (tourisme, retraites, mobilité des cadres) et 20 % aux prestations sociales. Ainsi, 80 % des revenus disponibles sur un territoire ne concernent pas directement l’activité productive dite compétitive.»
Cet éclairage surprenant permet de poser avec encore plus d’acuité la question de la place de l’Economie sociale dans l’économie locale et le développement des territoires. Quels poids représente l’ESS dans la production de richesses locales ? Combien d’emploi directs et indirects sont-ils générés par les différentes composantes de l’ESS ? Comme l’écrit Maurice Parodi «l’ESS ne peut constituer aujourd’hui une alternative crédible à l’économie capitaliste.» Mais la place de l’ESS dans le développement des territoires ne doit-elle se mesurer qu’à l’aune d’indicateurs économiques car l’ESS depuis ses origines «vise l'instauration d'une société plus équitable, plus solidaire et plus démocratique. On ne peut pas dissocier son projet économique (entreprendre coopérativement) de son projet sociétal et donc on ne peut réduire son rôle, son poids et sa performance aux seuls indicateurs économiques de la richesse.»
S’interroger sur la place de l’ESS dans le développement des territoires n’est-ce pas poser la question du type de société dans lequel nous voulons vivre ? Car le projet de l’ESS déborde très largement le développement économique stricto sensu des territoires. Il interroge le modèle de développement dominant et en propose un autre : économiquement viable, socialement équitable et écologiquement durable.
Ce sont ces questions qui constitueront le socle des réflexions conduites au cours de ces deuxièmes rencontres des dialogues en économie sociale du Grand Lyon et de la Chambre Régionale de l’Economie Sociale le 29 Novembre 2012."
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1 Les organisations de l’ESS sont des sociétés de personnes et non de capitaux caractérisées par les principes suivant :
- propriété et gouvernance collective, fonctionnement démocratique (« une personne, une voix », dirigeants élus...),
- primauté des personnes et de l’objet social sur la recherche de profits (excédents au service du projet et non pour la rémunération des capitaux)
- adhésion volontaire et ouverte avec un principe de double qualité où chacun est à la fois contributeur et bénéficiaire autonomie de gestion et indépendance par rapport aux pouvoirs publics.
3 Laurent Davezies, professeur à l’Université de Paris Val-de-Marne In Comme se développent les territoires : l’exemple de la métropole Nantes Saint-Nazaire - Les Ecossolies - Juin 2007. 11 pages.
4 Maurice Parodi - In L’économie sociale et solidaire une alternative à l’économie capitaliste - RECMA - Juillet 2007 - 8 pages.
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