Le texte ci-après vient d'être écrit par Michèle Narvaez. C'est avec son autorisation que je le publie sur ce blog. Il éclaire la personnalité et l'oeuvre d'Antanas Mockus. Merci à Michèle pour cette contribution qui fut occasion d'exhumer des souvenirs passés.
"J’ai eu le privilège, quand je travaillais à Bogota, de connaître la trajectoire d’Antanas Mockus, depuis sa gestion de l’Université Nationale, en tant que recteur, jusqu’à la Mairie de Bogota, à la tête de laquelle il a été élu pour deux mandats. J’ai appris beaucoup grâce à lui, en particulier comment l’intelligence, secondée par une capacité de projection dans l’avenir et une éthique d’une rigueur sans faille, peut parvenir à modifier le paysage d’une ville, permettre de nouveaux liens entre les citoyens, rassembler les énergies des individus les plus divers, indépendamment des postures politiques traditionnelles, pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes et construisent ensemble leur futur. Antanas mise avant tout sur l’éducation et la culture. A peine installé à la mairie de Bogota, il a augmenté très significativement le budget de la culture, et a mis en œuvre un programme de développement culturel ambitieux, avec l’objectif de diminuer la violence urbaine : le résultat a été impressionnant, le nombre de morts violentes quotidiennes a été par exemple réduit de 4 cinquièmes. J’ai pu participer, avec enthousiasme, à l’un de ces programmes, celui des « Maisons de la culture » implantées dans les quartiers de cette ville de sept millions d’habitants. Maisons de la culture, c'est-à-dire maisons du « mieux vivre ensemble », espaces de rencontres, autogérés (sous le contrôle et avec le soutien des mairies d’arrondissement), où les habitants d’un quartier, bénévoles pour la plupart, pouvaient démocratiquement choisir des thèmes communs d’action (culturelle, de médiation, de formation, de lutte contre la violence ou la maltraitance), mener à bien des projets, devenir acteurs de leur existence. Ce programme a suscité une très grande ferveur et quand je suis allée en 2004 rendre une petite visite nostalgique à la Colombie, j’ai pu voir que la dynamique de ces maisons de la culture avait survécu au passage des années !
Antanas rêve d’un pays « carotte » (entendons par là un pays « doux ») où dialoguent la loi et la culture, un pays où le civisme et l’humanité l’emportent sur l’égoïsme et le relativisme des valeurs. Il aimerait (j’emprunte ses mots) que chaque matin, en se levant, l’étudiant qui va à son cours, ou l’enseignant, ou, le soir, les parents qui aident leur enfants à réviser leurs devoirs, se rendent compte que le lycée, l’université, sont la scène où se joue l’avenir. Il propose à ses concitoyens de mieux se connaître, de s’ouvrir à la possibilité de comprendre comment est l’autre, dans sa complexité, sa beauté, sa générosité. Chacun peut mettre sur la table ce qu’il a de meilleur, pour que tous avancent.
Antanas a obtenu à la récente élection présidentielle de son pays des résultats inattendus, qui en disent long sur l’espérance qu’il a fait naître dans la population.
Cette espérance, nous en avons besoin aussi ici, en France, dans ce pays bien fatigué des manœuvres et des disputes politiciennes. Oui, il ferait bon d’écouter la voix d’Antanas. Et je suis sûre que dans notre Région Rhône - Alpes, - et en pays roannais ! – nous sommes nombreux à souhaiter irriguer notre espoir de son expérience."
Les commentaires récents